
Questionner le concept de durabilité (Partie I)

DAMIEN CONTAMIN
et Partner d’ESG-LAB
S’interroger sur le sens des mots est primordial, car la vie est façonnée par le langage.
Ainsi, pour faciliter l’adhésion des investisseurs à la finance dite ’durable’ et maximiser son impact positif, il est crucial que chaque acteur économique en appréhende les fondements, les contours et les finalités.
Quitte, parfois, à en avoir une définition plus personnelle, reflet de notre singularité.
Cette étape de clarification est un prérequis essentiel à l’émergence et la convergence d’objectifs communs.
Les éléments de langage, utilisés par toutes les formes de pouvoir, exercent sur notre existence une influence dont la nature dépend de l’interprétation que nous en avons. Comme disait Elie Wiesel[1]: «people become the stories they hear and the stories they tell».[2] La compréhension d’un concept se trouve donc altérée par notre état d’être conditionné. Elle n’est que très rarement le fruit d’une pensée indépendante et objective.
L’émergence d’une nouvelle narration pour un futur plus respectueux du bien commun et en ligne avec nos aspirations du moment nécessiterait donc au préalable de s’affranchir de ce conditionnement. Ce qui suppose de porter un regard critique sur les croyances (souvent dogmatiques) sur lesquelles sont basées nos décisions. Appliqué à notre sujet, cela revient à répondre à cette question préliminaire : suis-je en accord avec les fondements du concept de «durabilité»?
La notion de «développement durable», introduit par le rapport de Brundtland[3], s’est imposée comme l’ultime et unique dessein à poursuivre. L’objectif du rapport est d’insuffler un vent de changement écologique et social-démocrate au sein du capitalisme. Il fonde son approche sur le constat (ou la croyance?) que la dégradation de l’environnement est majoritairement provoquée par les pays émergents, faute de moyens économiques et technologiques suffisants pour s’atteler à la problématique environnementale. Ainsi, son approche consiste à promouvoir un modèle de croissance qui aurait les vertus de combattre la pauvreté tout en améliorant la protection pour l’environnement. L’ultime vœu poursuivi est de «satisfaire les besoins actuels sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins».
Cette école de pensée réserve une place de choix au modèle de croissance. En cela, elle s’oppose radicalement au concept de «décroissance» défendu par le rapport de Rome initié en 1972 par le Club du même nom. L’équipe de chercheurs du MIT[4], en charge de sa rédaction, pointe du doigt les dangers de la logique de croissance économique sur l’environnement et la société, dans un contexte de croissance démographique forte. Elle souligne par ce biais la nature multidimensionnelle du monde complexe dans lequel nous vivons et par conséquent l’interconnexion régnante entre les dimensions économique, environnementale et sociale.
Ces deux «mouvements» ou «narrations» continuent d’alimenter le débat au sein des politiques environnementales, avec en toile de fond, la question relative à la primauté de l’être humain sur la Nature.
Dans un précédent article[5], il avait été démontré que ces deux écoles de pensée se fondaient sur deux perceptions radicalement opposées du rapport entretenu entre l’être humain et la Nature. À l’opposé du concept de «développement durable», le propos qui sous-tend le rapport de Rome est que la Nature est un paramètre à prendre en considération pour ce qu’elle est et non uniquement pour ce qu’elle est susceptible d’apporter. Ce qui revient à lui affecter une valeur intrinsèque et non instrumentale comme tendrait à le faire le rapport de Brundtland.L’émergence d’une nouvelle narration pour un futur plus respectueux du bien commun et en ligne avec nos aspirations du moment nécessiterait donc au préalable de s’affranchir de ce conditionnement.
Ce qui suppose de porter un regard critique sur les croyances (souvent dogmatiques) sur lesquelles sont basées nos décisions. Appliqué à notre sujet, cela revient à répondre à cette question préliminaire : suis-je en accord avec les fondements du concept de «durabilité»?
La notion de «développement durable», introduit par le rapport de Brundtland[3], s’est imposée comme l’ultime et unique dessein à poursuivre. L’objectif du rapport est d’insuffler un vent de changement écologique et social-démocrate au sein du capitalisme. Il fonde son approche sur le constat (ou la croyance?) que la dégradation de l’environnement est majoritairement provoquée par les pays émergents, faute de moyens économiques et technologiques suffisants pour s’atteler à la problématique environnementale. Ainsi, son approche consiste à promouvoir un modèle de croissance qui aurait les vertus de combattre la pauvreté tout en améliorant la protection pour l’environnement. L’ultime vœu poursuivi est de «satisfaire les besoins actuels sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins».
Cette école de pensée réserve une place de choix au modèle de croissance. En cela, elle s’oppose radicalement au concept de «décroissance» défendu par le rapport de Rome initié en 1972 par le Club du même nom. L’équipe de chercheurs du MIT[4], en charge de sa rédaction, pointe du doigt les dangers de la logique de croissance économique sur l’environnement et la société, dans un contexte de croissance démographique forte. Elle souligne par ce biais la nature multidimensionnelle du monde complexe dans lequel nous vivons et par conséquent l’interconnexion régnante entre les dimensions économique, environnementale et sociale.
Ces deux «mouvements» ou «narrations» continuent d’alimenter le débat au sein des politiques environnementales, avec en toile de fond, la question relative à la primauté de l’être humain sur la Nature.
Dans un précédent article[5], il avait été démontré que ces deux écoles de pensée se fondaient sur deux perceptions radicalement opposées du rapport entretenu entre l’être humain et la Nature. À l’opposé du concept de «développement durable», le propos qui sous-tend le rapport de Rome est que la Nature est un paramètre à prendre en considération pour ce qu’elle est et non uniquement pour ce qu’elle est susceptible d’apporter. Ce qui revient à lui affecter une valeur intrinsèque et non instrumentale comme tendrait à le faire le rapport de Brundtland.
Au travers de cet exemple, on perçoit à quel point la perception du concept de «durabilité» peut revêtir des nuances diverses selon le regard que nous portons sur la réalité. Si notre point de vue penche en faveur du rapport de Rome, il est probable que nous tendions plus à valoriser le caractère intangible de notre investissement, privilégiant alors plutôt l’impact positif au rendement. Notre profil nous amènerait alors à considérer, parmi le spectre des solutions d’investissement durable (cf. Tableau), la catégorie des solutions à impact fort et mesurable. A contrario, si notre sensibilité et nos croyances tendent plus vers la doctrine de Brundtland, il y aurait alors toutes les raisons de penser que nos choix s’orienteraient vers les catégories d’investissement visant à concurrencer les rendements du marché tout en cherchant à atténuer les risques en matière environnementale, sociale et de gouvernance.

[1] : Ecrivain, philosophe, Prix Nobel de la Paix en 1986
[2] : « Les gens sont façonnés par les histoires qu’ils entendent et qu’ils racontent »
[3] : Publié par le « World Commission on Environment and Development » en 1987
[4] : Dirigée par Donatella et Dennis Meadows
[5] : « Progrès technique : l’arbre qui cache la forêt ? », Investir.ch, 16 juillet 2020
© Copyright 2023 by CONINCO Version 1.2 – All Rights Reserved.
© Copyright 2023 by CONINCO Version 1.2
All Rights Reserved – Informations légales